Discours solennel - APF Brazzaville 2025 , Dr Ismaila diallo , premier vice-président de l’Assemblée nationale du Sénégal
Excellences, chers collègues parlementaires, Mesdames et Messieurs,
Je me tiens devant vous avec l’honneur de porter la voix de la République du Sénégal, mais surtout celle d’un peuple qui a fait le choix de la souveraineté, de la justice et de la dignité. À travers cette XVIe Conférence des Présidents d’Assemblées de la Région Afrique de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, nous avons la responsabilité historique de reposer les fondements de la Francophonie. Non plus comme une organisation figée dans ses contradictions, mais comme un espace dynamique et pluriel.
Notre époque est celle des ruptures géopolitiques, du rejet des hégémonies unilatérales et du besoin d’une coopération réinventée. La Francophonie, aujourd’hui, doit se questionner profondément : veut-elle demeurer un outil d’influence au service de quelques-uns ou bien devenir une communauté véritablement solidaire, respectueuse de la souveraineté et des identités ?
Nous devons voir en face les faits : l’OIF est confrontée à une crise majeure. Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger ne fut ni un accident ni un coup de tête. Il est le fruit d’un ressentiment profond contre une Francophonie perçue comme asymétrique, moralisatrice et muette sur les injustices que subissent ses membres africains. Le deux poids deux mesures dans le traitement des crises démocratiques a discrédité l’organisation. Ce n’est pas le peuple africain qui a tourné le dos à la Francophonie, c’est une certaine conception de celle-ci qui a tourné le dos aux peuples africains.
Le Sénégal, quant à lui, reste fidèle à la Francophonie, mais à une condition : qu’elle se réforme, qu’elle se ressaisisse, qu’elle se réconcilie avec son humanisme originel. Le Président Diomaye Faye, élu avec le soutien de la jeunesse, des ruraux et de la diaspora, incarne une génération politique qui ne transige pas avec la souveraineté. Notre politique étrangère, forgée avec notre peuple, s’inscrit dans une vision panafricaniste, décoloniale et multilatérale.
Oui, nous croyons à une Francophonie de la diversité, mais pas à une francophonie de soumission. Oui, nous croyons à la langue française, mais pas au monopole culturel. Nous croyons à la coopération, mais pas à la dépendance. Nous voulons que les langues africaines, les cultures africaines, les histoires africaines soient valorisées au même titre que le français.
En cela, notre gouvernement œuvre à une Francophonie inclusive, respectueuse de nos identités. Nous avons rebaptisé le boulevard Général de Gaulle au nom de Mamadou Dia, parce que l’histoire ne peut plus être écrite uniquement par les vainqueurs. Nous avons exigé la restitution de notre patrimoine historique. Nous avons demandé justice pour Thiaroye. Nous avons ouvert nos écoles au wolof, au pulaar, au mandarin, à l’anglais et à l’arabe. Ce n’est pas une rupture, c’est une renaissance.
Parlementaires africains, nous avons un rôle immense à jouer. L’APF doit se réinventer. Elle doit devenir une force d’interpellation, une plateforme de solidarité parlementaire, une caisse de résonance des aspirations africaines. Nous ne pouvons plus être des figurants dans une diplomatie francophone construite ailleurs, sans nous. Nous devons peser dans les décisions, inspirer les politiques, et défendre les intérêts des peuples que nous représentons.
La Francophonie doit cesser d’être un prétexte à l’uniformisation. Elle doit devenir un levier de développement endogène, de résilience culturelle, d’innovation politique. Le temps n’est plus aux déclarations creuses, mais aux révisions courageuses. L’Afrique n’est pas une annexe de la Francophonie : elle en est le cœur battant.
Alors, mes chers collègues, si nous voulons une Francophonie pour demain, donnons-lui un nouveau souffle aujourd’hui. Un souffle africain, souverain, pluriel, enraciné dans les peuples et tendu vers un avenir de dignité partagée.
Je vous remercie.